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29/11/2024

> CO2 - Climat

Les émissions soufrées des océans refroidissent plus le climat qu’on ne le pensait

Des chercheurs de l’université britannique d’East Anglia (à l’Est de l’Angleterre) viennent de publier dans la revue Science Advances des résultats inédits sur les émissions mondiales d’un gaz sulfureux produit par le plancton, révélant qu’il refroidit le climat plus qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Des données qui vont permettre d’affiner les modèles climatiques et le rôle des océans dans la régulation climatique.

S’il ne s’agit pas de remettre en cause la nécessité d’agir sur l’impact de l’activité humaine sur le climat (sans quoi la planète continuera de se réchauffer), les résultats des travaux publiés ces jours-ci par les chercheurs anglais de l’université d’East-Anglia apportent néanmoins une note d’espoir. Ces travaux quantifient en effet pour la première fois les émissions mondiales d’un gaz sulfureux, le méthanethiol, qui était inaperçu jusqu’à présent et qui a un effet de refroidissement immédiat du climat (donc opposé aux gaz à effet de serre). Les chercheurs n’ont en effet détecté ce gaz que récemment, car il était notoirement difficile à mesurer et les travaux antérieurs portaient sur des océans plus chauds, alors que les océans polaires sont les points chauds d'émission. On ne prenait en effet en compte jusqu’ici que le sulfure de diméthyle produit par le plancton microscopique qui, une fois dans l’atmosphère, s’oxyde et forme de petites particules (aérosols).  Les aérosols réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l'espace et réduisent ainsi la chaleur retenue par la Terre. Leur effet refroidissant est amplifié lorsqu'ils participent à la formation des nuages, avec un effet opposé, mais de même ampleur, que celui des gaz à effet de serre (CO2 et méthane). La prise en compte de nouveaux gaz sulfurés est donc très importante pour une estimation réelle de l’effet refroidisseur des aérosols sulfureux d’origine océane qui selon le Dr Wohl, du Centre des sciences océaniques et atmosphériques de l'UEA est « l'élément climatique ayant la plus grande capacité de refroidissement, mais aussi le moins bien compris ». « Nous savions que le méthanethiol sortait de l'océan, mais nous n'avions aucune idée de sa quantité et de son emplacement. Nous ne savions pas non plus qu'il avait un tel impact sur le climat ». Les travaux ont ainsi réussi à quantifier à l’échelle mondiale ces émissions : où, quand et en quelle quantité ces émissions se produisent. D’où la possibilité de représenter plus précisément les nuages au-dessus de l’océan Austral (là où c’était compliqué de le faire, surestimant ainsi le rayonnement solaire) et calculer de manière plus réalise leur effet de refroidissement. Grâce à cette découverte, les scientifiques peuvent désormais représenter le climat de manière plus précise dans les modèles utilisés pour prédire un réchauffement de +1,5 ºC ou de +2 ºC, et contribuer à un éclairage plus juste pour l'élaboration des politiques.

Les données obtenues (mesures disponibles de méthanethio, nouvelles mesures dans l’océan Austral et sur la côte méditerranéenne, et leur mise en relation avec la température de l’eau de mer obtenue par satellite) ont permis de conclure que annuellement et en moyenne mondiale, le méthanethiol augmentait de 25 % les émissions marines de soufre connues. « Cela peut sembler peu, mais le méthanethiol est plus efficace pour oxyder et former des aérosols que le sulfure de diméthyle et, par conséquent, son impact sur le climat est amplifié », a déclaré le Dr Julián Villamayor, chercheur à l'IQF-CSIC et codirecteur de l'étude. Un effet d’autant plus visible dans l’hémisphère Sud où il y a plus d’océan et moins d’activité humaine, mais néanmoins non négligeable sur l’ensemble du globe.

 

 

Travaux financés par le Conseil européen de la recherche et le ministère espagnol de la science et de l'innovation.

Article :  « Marine emissions of methanethiol increase aerosol cooling in the Southern Ocean », de Charel Wohl, Julián Villamayor et Martí Galí et al, a. - Sciences Advance le 27 novembre.

Crédit photo : UAE / Rafel Simo (ICM-CSIC)