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03/07/2019

> CO2 - Climat

L'effet climatique oublié des traînées de condensation des avions

Même si l’aviation opère de réels efforts pour limiter son impact sur le réchauffement climatique, avec des conceptions d’avions plus légères, des gestions au sol plus vertueuses, des systèmes d’éco-pilotage innovants et bien sûr des carburants alternatifs, il est un effet négatif sur le climat qui est oublié depuis des années, celui des trainées de condensation des avions. Un phénomène à très fort impact climatique qui devrait tripler d’ici 2050.

Les traînées de condensation des avions peuvent dans certaines conditions rester dans le ciel sous forme de cirrus de traînée, c’est-à-dire des nuages ​​de glace qui piègent la chaleur dans l’atmosphère de la Terre et donc réchauffent l’atmosphère. Des chercheurs estiment que ce phénomène de réchauffement, non lié aux émissions de CO2, ont davantage contribué au réchauffement de l'atmosphère que tout le CO2 émis par les aéronefs depuis le début de l'aviation. Pire, une nouvelle étude publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics de l'Union européenne des géosciences (EGU) révèle ainsi qu'en raison de l'activité du trafic aérien, l'impact sur le climat du contrail cirrus serait encore plus important à l'avenir, triplant d'ici 2050.

Les cirrus de trâinée modifient la nébulosité mondiale, ce qui crée un déséquilibre dans le bilan radiatif de la Terre - appelé «forçage radiatif» - qui entraîne un réchauffement de la planète. Plus ce forçage radiatif est important, plus l'impact sur le climat est important. En 2005, le trafic aérien représentait environ 5% du forçage radiatif anthropique, le cirrus de traînée étant le principal facteur de l’impact de l’aviation sur le climat. Or jusqu’à présent l’impact sur le climat de ces trainées a été largement négligé dans les programmes mondiaux visant à réduire ou compenser les émissions de l'aviation : l’accord Corsia, le système des Nations unies visant à compenser les émissions de carbone du trafic aérien à partir de 2020, ignore ainsi dans ses évaluations les impacts climatiques non liés au CO2.

L’étude qui vient d’être publiée pourrait donc éclairer et même éveiller les consciences à ce sujet. Elle met en effet en exergue une évolution inquiétante de ce phénomène de forçage radiatif qui sera trois fois plus important en 2050 qu’en 2006 et donc être plus rapide que l'augmentation du forçage radiatif au CO2, car les mesures d'économie de carburant attendues réduiront les émissions de CO2. La croissance du trafic aérien, qui devrait être 4 fois plus importante en 2050 (vs 2006) est à l’origine de cette augmentation mais également un léger déplacement des itinéraires de vol vers les altitudes plus élevées, qui favorise la formation de traînées de condensation sous les tropiques. Cela dit, l'impact sur le climat dû aux cirrus de traînée sera plus fort en Amérique du Nord et en Europe, les zones de trafic aérien les plus fréquentées du monde, et augmentera également de manière significative en Asie.

Tout n’est cependant pas encore très clair sur la forme de cet impact climatique. Car l’impact principal du cirrus de trâinée est le réchauffement de la haute atmosphère, au niveau du trafic aérien, et la modification de la nébulosité actuelle. « On ne sait pas exactement à quel point il y a un impact sur la température de surface et éventuellement sur les précipitations est dû aux modifications apportées aux nuages, mais il est clair qu’ils réchauffent l’atmosphère ​​», précise une des auteures de l’étude. On notera aussi que la nature des émissions des avions, si elle est plus propre, permettrait de résoudre une partie du problème mis en évidence dans l’étude. En effet, la réduction des particules de suie émises par les moteurs réduit le nombre de cristaux de glace dans les traînées de condensation, et donc l’impact des cirrus sur le réchauffement. Mais les chercheuses soulignent que les efforts devront être supérieures aux ambitions de réduction de 50 % des émissions de suies. Et même en atteignant 90 % de réduction, ce ne serait sans doute pas suffisant pour limiter l’impact sur le climat des cirrus de traînée au même niveau que 2006. Une autre méthode d'atténuation souvent évoquée consisterait à réorienter les vols afin d'éviter les régions particulièrement sensibles aux effets de la formation de traînées. Mais selon les deux auteures de l’étéude, il faut être prudent sur l’emploi de telles mesures qui certes amoindrirait l'impact sur le climat des cirrus à courte durée de vie, mais pourraient entraîner une augmentation des émissions de CO2 (à longue durée de vie), en particulier tant qu’on ne connaît pas tous les tenants et aboutissants des effets de réchauffement des cirrus. D’où la priorité à accorder aux mesures permettant de réduire les émissions de suie, sans doute en association avec d’autres initiatives permettant de compenser les effets résiduels pour que l’aviation puisse effectivement poursuivre son développement dans des réelles conditions éco-responsables.

Etude " Contrail cirrus radiative forcing for future air traffic"
Lisa Bock et Ulrike Burkhardt, DLR (centre aérospatial allemand)