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15/10/2024

> Air

Et si les enrobés phoniques étaient la solution pour réduire la pollution du périphérique ?

Dans une tribune parue dans le Figaro le 11 octobre, Olivier Blond, Président de Bruitparif et conseil régional d’Ile-de-France délégué spécial en charge de la santé environnementale, dénonce l’argumentation environnementale liée à la réduction de vitesse sur le périphérique et préconise une stratégie de réfection des chaussées anti-bruit pour réduire effectivement à la fois le bruit et les consommations de carburants, donc les émissions de polluants et gaz à effet de serre.

Depuis la mise en place d’une vitesse réduite sur le périphérique début octobre, la question de l’efficacité d’une telle mesure est largement débattue. Si au plan de l’accidentologie l’argument pourrait se discuter, les éléments en matière de gains environnementaux sont assez largement contestés, les bénéfices attendus par les spécialistes étant essentiellement en matière de bruit et moins sur la pollution de l’air. 

Le président de BruitParif Olivier Blond fait partie des experts qui contestent cette stratégie et son efficacité en matière de santé-environnement. Il s’appuie dans son texte paru le 11 octobre dans le Figaro sur les résultats préliminaires d’une étude menée par le groupe Renault sur l’état du revêtement routier, montrant que sa qualité s’est nettement dégradée et que près de 60 % des 35 kilomètres de la boucle sont en mauvais état (R2 ou R3 sur une échelle allant de R0 – bon état, à R3 – route abîmée). Sachant qu’une route en bon état (R0) émet jusqu’à douze décibels de moins qu’une route abîmée (R3), l’entretien d’une chaussée permet de diviser le bruit par dix. Par comparaison, sur le plan du bruit, la réduction de vitesse à 50 km/h au lieu de 70 km/h, effective seulement aux heures de faible circulation c’est-à-dire principalement la nuit, permet de réduire le bruit de seulement deux décibels sur cette période. D’où une efficacité nettement moindre que la réfection des chaussées avec des enrobés phoniques (ou équivalents).

Mais surtout, une stratégie de réfection de revêtements avec des enrobés phoniques aurait aussi un impact très fort sur les émissions de polluants. Car qui dit chaussées endommagées, dit vibrations (le bruit) qui correspondent de fait à une perte d’énergie. Olivier Blond explique ainsi « que très approximativement, gagner un décibel revient à économiser 1 % de consommation de carburant » donc autant (ou quasiment) en polluants et gaz à effet de serre. « En moyenne, le gain sur le périphérique pourrait être de cinq à six décibels » avec une réfection des chaussées, donc avec un vrai effet sur la qualité de l’air, affirme aussi cet élu qui rappelle qu'une bonne part des enrobés phoniques posés l’a été il y a environ dix ans et sont donc obsolètes.

A 1 M€ le km (entre 0,5 et 1 M€/km), la réfection des zones non couvertes du périphérique (les zones couvertes sont en meilleur état) reviendrait ainsi à 20 M€ environ, une dépense qui pourrait être partagée par la Région et la ville de Paris et s’étaler sur deux ans, soit 5 M€/an/collectivité seulement (pour rappel, le budget de la ville de Paris est de 10 Md€). 

Au-delà du débat politique autour de la place de la voiture en zone urbaine, la réflexion apportée par Olivier Blond a l’intérêt de rappeler que les leviers pour atteindre des résultats tangibles en matière de décarbonation et santé environnementale sont toujours multiples. Dépasser les idées reçues (ou l’idéologie) et objectiver les décisions est donc essentiel pour concilier confort des usagers, environnement et économie.

Crédit photo : Eurovia (pose d'enrobés phoniques sur le périphérique à hauteur d'Aubervilliers en 2018)