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20/04/2017

> Eco-matériaux

Des vitrimères issus du recyclage

Inventés en 2011 par une équipe de l'ESPCI, les vitrimères sont un nouveau type de plastiques très intéressants au plan environnemental car étant dotés de capacité d'auto-réparation, tout en affichant de très belles propriétés de résistance à diverses contraintes. Restait cependant à démontrer qu'il était possible de produire ces vitrimères avec les mêmes ingrédients que les plastiques actuels et de les mettre en oeuvre avec les outils classiques des filières de la plasturgie. Une double étape que les chercheurs de l'ESPCI viennent de franchir, ouvrant même des opportunités de recyclage à valeur ajoutée pour les déchets plastiques en mélange.

Après avoir mis au point le caoutchouc auto-cicatrisant en 2008, Ludwik Leibler, chercheur à l'ESPCI Paris s'est distingué avec l'invention des vitrimères, une nouvelle catégorie de plastiques à la fois solides et résistants comme des composés thermodurcissables, mais qui restent façonnages et malléables (et soudables) comme du verre lors d'une montée en température. Une découverte qui lui a valu en 2015 le prix de l'inventeur de l'année de l'Office européen des brevets. Et de fait, cette nouvelle forme de plastique qui est capable de réorganiser de manière fluide les liaisons entre les molécules recèle un potentiel d'applications énormes, notamment dans la santé, mais également dans une optique d'amélioration de la durabilité des produits en plastique, et donc de réduction des déchets et/ou de l'empreinte environnementale globale d'un produit. Ces matériaux ont en effet une résistance chimique, thermique, mécanique mais aussi à l'eau (il ne craquelle qu'après 350 heures dans l'eau savonneuse) beaucoup  plus importante que les polymères classiques de type polyéthylène ou polystyrène, et en cas de casse, il est possible par une gestion de la température d'opérer une réparation, là où des résines thermodurcissables ne sont pas réparables. les vitrimères allient donc le meilleur des plastiques (thermodurcissables et thermoplastiques) et du verre.
L'intéret pour cette nouvelle génération de plastiques, véritable concentré de performances, n'avait cependant de sens que s'il était possible de démontrer que leur production et leur mise en oeuvre pouvait rester accessible au marché.  Dans une toute récente publication parue début avril dans Science, l'équipe de Ludwik Leibler et Renaud Nicolaÿ du laboratoire de matière molle de l'ESPCI Paris présenté des résultats de travaux montrant la possibilité de produire des vitrimères à partir de thermoplastiques divers, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités de recyclage. 
Pour cela, les chercheurs ont découvert une réaction de métathèse* (réaction en conditions non contraignantes permettant de former une nouvelle molécule à partir de deux oléfines) qui permet l'échange d'aomes entre les molécules, sans rompre les liens chimiques existants. Comme cette réaction est particulièrement efficace, il devient possible de transformer en vitrimère tout polymère ayant un squelette carboné (75 % des plastiques). Mieux, cette réaction ne nécessite pas de catalyseur, contrairement à d'autres réactions de métathèse, ce qui constitue un réel avantage économique et écologique. Les vitrimères obtenus à partir de polystyrènes, acrylates ou polyéthylènes sont, applicables dans les procédés classiques de transformation des plastiques (injection, moulage, soufflage, extrusion, thermoformage) et affichent de spropriétés supérieures de résistances diverses.
On notera que la réaction de métathèse peut opérer aux surfaces. On peut ainsi obtenir une adhésion très forte entre des vitrimères fabriqués à partir de plastiques pourtant complètement incompatibles. Cela élargit d'office le potentiel de recyclage, car non seulement tous les plastiques traditionnels peuvent être convertis en vitrimères à haute performance, mais ils peuvent l'être aussi dans des conditions d'absence de tri préalable des plastiques, formant alors des alliages de vitrimères aux propriétés améliorées.
Des brevets ont bien sûr été déposés sur cette technologie de production des vitrimères à partir de polymères divers. 
 
Contacts chercheurs :
ludwik.leibler@espci.fr
renaud.nicolay@espci.fr

 

* la réaction de métathèse a valu à Yves Chauvin le prix Nobel de Chimie en 2005