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13/03/2019

> Santé - Environnement

La pollution de l’air ambiant tue plus qu’on ne croit

Si les alertes se multiplient depuis plusieurs années concernant le niveau très élevé de morts prématurées en Europe et dans le monde du fait de la pollution de l’air, les estimations produites jusqu’à présentes pourraient s’avérer en-deçà de la réalité si on en croit une nouvelle étude rendue publique cette semaine par la société européenne de cardiologie.

En France, on cite souvent le chiffre déjà ahurissant de 48 000 morts prématurées liées à la pollution de l’air extérieur, et notamment aux particules fines. Et pourtant, il serait assez largement sous-évalué si on en croit les conclusions des travaux menés par un large consortium de chercheurs, et publiés le 10 mars dans « the European Heart Journal ». Cette nouvelle étude, qui ne s’intéresse qu’à la pollution extérieure, permet d’estimer le nom de décès prématuré à 790 000 en Europe (659 000 pour l’Europe des 28), soit un taux moyen de 133 décès par 100 000 habitants en moyenne et une réduction de l’espérance de vie qui dépasse les deux ans. C’est environ le double des estimations réalisées jusqu’à présent. Pour le monde entier, cela représente 8,8 millions de personnes, soit l’équivalent de ce l’OMS chiffrait pour la pollution de l’air mais en incluant la pollution intérieure, ici non chiffrée. C’est aussi la première fois que la pollution de l’air extérieur est jugée responsable de plus de morts que le tabac (7,2 millions de décès prématurés par an).

La France avec une estimation de 105 morts prématurées pour 100 000 habitants (et 1,6 an « seulement » de perte d’espérance de vie) est certes en-dessous de la moyenne (à comparer aux 154 morts en Allemagne, 136 en Italie et les plus de 200 décès dans certains pays de l’Europe orientale). Mais il faudra désormais retenir le chiffre de 70 000 morts prématurées par an quand on parlera de la pollution d’air extérieur en France, soit une estimation 50 % supérieure à celle communément admise aujourd’hui.

On notera que les maladies cardiovasculaires sont les premières responsables de cette surmortalité (48 %, donc 40 % pour les problèmes cardiaques et 8 % pour les accidents vasculaires cérébraux), et que les diverses pathologies pulmonaires sont bien évidemment également prédominantes (20 % en tout – voir notre illustration).

Cette révision à la hausse des estimations s’appuie sur des avancées en modélisation et combinaisons des données disponibles qui permettent de quantifier de manière plus réaliste ce risque sanitaire et environnemental. Les chercheurs ont en effet utilisé une nouvelle méthode de modélisation des effets de diverses sources de pollution sur les taux de mortalité, modèle qu'ils ont alimenté avec des données d'exposition elles-mêmes plus riches (intégrant des processus chimiques et d'interaction), le tout combiné à des données de l’OMS sur la densité de population, la localisation géographique, l’âge, les facteurs de risque associés. C’est cette capacité à croiser des données plus fines sur les pollutions et les expositions qui a permis d’établir un bilan plus critique, mais sans doute plus proche de la réalité, des risques sanitaires réels, même si comme tout démarche statistique, elle comporte des marges d’incertitude (à la hausse comme à la baisse).

L’information est donc alarmante, mais elle peut être aussi reçue comme une stimulation supplémentaire à prendre des décisions concernant les seuils de polluants, compte tenu du nombre beaucoup plus massif de décès prématurés. D’où un appel des auteurs à ce que l’Europe abaisse le taux actuel de 25 µg/m3 de particules fines à 10µg/m3 comme le préconise l’OMS. Un autre des contributeurs de l’étude rappelle par ailleurs que la plupart des particules provenant de systèmes de combustion de ressources fossiles, la transition vers de nouvelles sources d’énergie propre en répondant aux enjeux climatiques représente aussi un gain sanitaire.  Enfin, toute la stratégie agricole visant à mieux maîtriser les intrants ammoniaqués (qui par évaporation et recombinaison, contribuent aussi à la formation de particules fines) va également dans le sens d’un gain sanitaire. Le fait est en tous cas que l’enjeu de la qualité de l’air extérieur gagne en intensité comme les nouvelles estimations l’indiquent, et qu’il existe des leviers à actionner pour en réduire l’impact sanitaire, avec tout cela implique également en coût social et économique.